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Dessiner n'importe où

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J'ai vu ma mère dessiner sur des marges de calendrier, des dos d'enveloppes. Peindre sur le motif, en même temps que mon père. Reproduire Redouté avec du fil à broder, des mois durant, toute une vie, plusieurs fois. Disposer des tranches de pommes en rosaces parfaites, dessiner à la fourchette, dans la purée des gratins autant de motifs géométriques, avant passage au four. Dans la campagne, mes parents peignaient au creux des chemins et il m'en reste cette odeur de térébenthine mêlée d'anis, le balancement rose des pois de senteur, le craquement de quelques branches quand mon frère escaladait un arbre. D'où vient l'enfance ?

Mon fuji voyage

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On ne doit pas trop s'attacher à son appareil photo. Mon cher XT20 part loin quelques semaines. La dernière fois qu'il m'a quittée, c'était pour une réparation, il était encore sous garantie, quelle veine ! Durant cinq semaines, j'avais dû m'en passer, et un beau jour, le facteur l'avait déposé devant le sas de l'immeuble, caché dans un carton emmailloté de scotch brun. N'importe qui aurait pu le prendre. Donc, voilà, je suis quelque temps sans lui, mais très contente des aventures qui l'attendent, du super voyage qu'il captera, selon l'envie de celui qui l'emporte. On me prêtera peut-être un autre appareil. Ou j'écrirai ce que je ne peux pas immortaliser. A suivre :)

Interlaken, ville hors du temps

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Petit jeu : comparer les films Super 8 de mon père, bobinés il y a près de cinquante ans aux images prises lors de notre voyage récent. Interlaken : ville où les coucous suisses pullulent aux murs des boutiques comme autant de cigales dans une pinède. Les touristes british des années 1970, disparus. Désormais, Indiens et Chinois se massent au pied du funiculaire, multiplient les selfies devant les restaurants asiatiques aux quatre-vingt couverts pleins à craquer. Les écriteaux touristiques alignent les idéogrammes. Les toilettes publiques également. Tant et tant de bibelots made in China rendent absurde l'idée même du partir. Pour le reste, on vend toujours les mêmes marques de montres, prestigieuses. Le même salon de thé : Schuh. Les mêmes dômes au sommet des mêmes hôtels érigés, Belle Epoque. Le magnolia, sa statue. Inchangés. Le casino Kursaal, même patine. Quel âge j'ai ?

Retour à Därligen

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Sur son lit d'hôpital, il m'a dit : "Pour ton anniversaire et ton Noël, je vous ai pris un séjour à Interlaken" . Il y avait quelque chose de poignant à voir son enfant cabossé vous faire un cadeau.  Ce coin de Suisse, j'y suis allée enfant. Quatre étés de suite.  La dernière année, ma grand-mère était du voyage.  C était il y a quarante-neuf ans.  Il y a 107 ans, ses parents se sont retrouvés là durant la Première Guerre mondiale. En 1917. Lui avait été blessé en 1914, dès août. Puis fait prisonnier, trimballé de camp en camp. La Croix Rouge l'avait expédié sur les rives du lac de Thoune. Sa femme avait traversé toute la France pour le revoir.  Nous l'ignorions en 1975. Le train. La montagne s'efface lentement à l'horizon. Lausanne approche.  Je ne reviendrai sans doute plus à Därligen. 

Dessin d'attente

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Bruit d'assiettes, le souper est desservi. La machine à laver de cette aile de l'hôpital va ronronner dans vingt minutes. Je redessine, après avoir trouvé dans le fond du sac à dos deux stabilo oubliés. Car je n'ai pas mon fuji avec moi, évidemment. 

Combien de jours

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Je ne sais plus combien de jours nous avons enchaînés maintenant. Le quartier où l'on dort est émaillé de petits commerces dont on se demande comment ils tiennent. Les couloirs de l'hôpital sont bruyants. Il est vrai que le mouvement, la visite sont libres, à toute heure. Le covid se répand, l'unité de soins dédiée enfle. Je suis acclimatée à ce train-train médicalisé, cela pourrait durer sans fin.  Seule la fatigue  Engourdissement, dans la cosse Prompte à l'alarme

Etoile étiolée

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  Il y a des moments dans une vie où l'on se sent pareil à une étoile sur le sable sec.   Elle est jolie cette étoile, couleur de corail, qui attend le retour de la marée.  Vulnérable chair, proie facile pour l'oiseau survolant le ressac. Elle a été vue aux Portes-en-Ré, à la fin du mois d'août, quand le village se calme.